C'était un peu cousu de fil blanc...Hier, la veille de l'annonce officielle du repreneur choisi par Kering pour La Redoute, Nathalie Balla annonçait, au mépris de l'embargo traditionnellement de mise dans ce genre de dossier, et à la surprise générale qu'elle avait déposé un dossier de candidature à la reprise.
Quand on sait la quantité de travail en amont que nécessite ce genre de dossier, il était clair que cette annonce était tout sauf improvisée, et on se doutait bien que cette annonce ne pouvait qu'avoir été validée par Kering; et surprise! Kering a annoncé aujourd'hui entrer en négociation exclusive avec Nathalie Balla pour la vente de La Redoute.
Le caractère rassurant pour les salariés et l'environnement politico économique du Nord a dû être déterminant dans le choix du repreneur. Et il faut reconnaître que la connaissance fine des rouages d'un monstre comme Redoute, de ses forces et de ses faiblesses, pourra être un atout dans la vitesse d'exécution et la justesse des mesures à prendre.
Reste à finaliser le plus important : quel projet de retournement, à mener par celle qui est déjà aux commandes depuis 4 ans. On aura rapidement beau jeu de lui demander pourquoi elle n'a pas appliqué plus tôt ce qu'elle prônera bientôt. Reste aussi à déterminer quelle implication financière de Kering dans la cession; on parle d'une fiducie de 500 à 600 M€; si celà était vraiment le cas il s'agirait d'une bonne nouvelle, car cela permettrait réellement une modernisation de l'informatique, de la logistique, et le financement de quelques années d'exploitation.
Bien évidemment, celà n'exclut pas - voire confirme - que des licenciements auront bien lieu, mais au moins peut-on espérer qu'ils seront faits en meilleure connaissance de cause et en tenant plus compte de l'historique que ne l'aurait fait un repreneur totalement externe au dossier.
On suivra dans les mois qui viennent avec attention ce sujet.
mercredi 4 décembre 2013
mardi 17 septembre 2013
Roubaix : où sont les drives ?
Les
drives, c’est de loin le segment le plus dynamique de la distribution
de ces dernières années. A cela de très bonnes raisons : une législation
beaucoup plus souple et en cours de rigidification, ce qui accélère le
mouvement; la maturité des techniques web qui en sont le corollaire
indispensable, la saturation ou le ras-le-bol des clients vis à vis des
hypers gigantesques, et la possibilité d’ouvrir d’aller chercher
quelques points de marché à la barbe de ses concurrents en s’installant
au rond point d’à côté.
Quelques
ordres de grandeur, pour bien montrer qu’il ne s’agit pas d’un
épiphénomène bobo ou limité aux zones de chalandises CSP+, mais bien
d’un mouvement de fond à l’échelle nationale : au 1er septembre 2013,
Drive Insights recensait 2159 implantations, dont 66 sur les seuls mois
de juillet et août (détails sur http://www.olivierdauvers.fr/2013/09/06/drive-qui-a-ete-le-plus-actif-cet-ete/).
Dans
les dernières tendances, le drive élargit son univers marchand, et ne
se cantonne plus aux supermarchés et hypermarchés alimentaires. On
connaît ainsi sur la métropole lilloise un Biodrive, un GelDrive, et il
existe des hard discounts drive (Leader Price), et la distribution
spécialisée est en train de s’y mettre (d’ailleurs, les cours matériaux
des GSB n’étaient-elles pas des drives avant la lettre…).
Et
Roubaix dans tout ça ? Berceau de la distribution française moderne,
depuis longtemps habituée aux formes de commerce contemporaines, on
aurait pu s’attendre à y voir bourgeonner les drives … Or c’est tout le
contraire qui se produit : il n’y a toujours pas un seul drive pour une
ville de près de 100000 habitants; alors qu’ils pullulent dans les
villes alentour!
Faisons
le compte : ni le Géant de centre ville, ni les supermarchés
(Intermarché) de la ville ne sont passés au drive. En revanche, au
voisinage, c’est l’explosion : Auchan Drive à Leers bien sûr;
Chronodrive à Croix et Wasquehal, Leclerc à Hem, et même Wattrelos qui
annonce, tout près de la frontière roubaisienne (côté rond-point du Sartel), l’ouverture d’une
enseigne encore mystérieuse dans un éco-village commercial!
La
situation est d’autant plus étonnante que le commerce roubaisien n’est
pas en forme olympique : 2 supermarchés Match ont fermé, et l’un est
resté une friche commerciale pendant des années avant que l’enseigne
hallal Le Triangle ne le remplace cet été. Le Géant Casino vivote (pour
rester poli), les hard discounters semblent tenir le haut du pavé.
Implanter une nouvelle forme de vente n’aurait sans doute pas été
absurde.
Il
ne s’agit pas non plus d’un problème foncier d’emplacements disponibles
: un rapide examen des implantations possibles permet d’en identifier
facilement plusieurs, sans être un spécialiste de l’immobilier
commercial : station service Oil du bld Gustave Delory, friche Devianne
du centre-ville, boulevard Gambetta à proximité du KFC, imprimerie du
bld Jean Jaurès, abords du rond point de l’Epeule,
zone commerciale de la Cense toujours sur Delory...Avec axes de
communication fréquentés, et zones de chalandise aisée; qu’on ne me dise
pas qu’il n’y a pas de drive à Roubaix parce que Roubaix est pauvre, on
ne parle pas d’en implanter aux 3 Ponts.
Il faut sans doute en conclure que les 2 raisons principales en sont :
.
le manque d’action de la mairie sur l’identification de cette piste de
développement économique, de repérage des emplacements, d’échanges avec
les enseignes concernées (dont certaines ont leur siège à quelques
centaines de mètres de la ville!), ainsi que de mise en avant des atouts
de la ville.
. les effets de l’image de marque
déplorable de la ville, dans les domaines commerciaux, fruits là aussi
d’une longue histoire économique pas toujours reluisante (Roubaix 2000
et la descente aux enfers du commerce de centre-ville en témoignent),
qui donnent sans doute des sueurs froides aux enseignes pas encore
implantées sur Roubaix pour y venir ou pour y développer leurs
activités, et qui préfèrent miser sur une périphérie qui paraît plus
favorable.
A 6 mois des élections municipales, voilà un
exemple concret de dossier sur lesquels on aimerait voir des prises de
conscience, voire (soyons fous!) des propositions concrètes des futures
listes. A bon entendeur...
***
article originellement publié sur mon blog Draps de toute laine le 16 septembre 2013
mercredi 12 juin 2013
La triste fin de Virgin
Après le refus par le tribunal de commerce des 2 - timides -
offres de reprise restantes pour quelques magasins de la chaîne, l’issue est
maintenant quasi inéluctable et la liquidation de la chaîne devrait intervenir
dans les prochains jours.
Rien n’y aura donc fait, ni la mobilisation , aussi rituelle
que vaine, des salariés ; ni le soutien affiché par certains artistes, qui
au-delà du mouvement de sympathie ne mène pas à grand-chose ; ni le vague
et confus projet de « souk culturel » de Patrick Zelnick, qui n’a pas
dû passer le 1er round du calcul de rentabilité sur une feuille
Excel.
On aura donc surtout retenu de cette période les scènes de
quasi émeute urbaine des derniers jours d’exploitation des magasins, quand une
remise générale de 50% a été accordée sur l’ensemble des articles, y compris
électroniques ; ce qui ne manque pas de laisser rêveur sur les discours d’attachement
des clients à l’enseigne, de l’importance de la qualité de la relation en
magasin et autres fadaises. Amazon et ses consorts, n’en déplaise à Aurélie
Filipetti, ont de beaux jours devant eux (cf la vidéo édifiante ci dessous).
On ne peut que s’étonner cependant du refus de reprise du
tribunal de commerce des offres restantes, car même sans connaître les détails
du dossier, la proposition de Cultura pour Avignon et de Vivarte pour certains
autres emplacements ne paraissaient pas absurdes. Peut-être les conditions
mises par les repreneurs sont-elles apparues comme exorbitantes ? Ou que
finalement les représentants des salariés ont préféré un PSE en bonne et due
forme ?
Sur le fond, on ne pourra quand même que se demander pourquoi, sur
des formats a priori équivalents ou du moins modifiables pour l’être, Cultura
se développe, le Furet du Nord ouvre des points de vente, la FNAC lance des
modèles de petite taille en franchise, et que rien n’ait été possible sur la
base du réseau existant et de la marque Virgin. C’est vrai qu’il se serait
aussi agi d’un nouveau pari, que la chaîne n’avait peut-être plus les moyens de
financer, plombée par ses déficits antérieurs.
Il nous restera à suivre, pendant au moins quelques jours, le désormais incontournable épisode de la "SCOP de licenciés que personne ne veut financer malgré les promesses"; cette fois ce sera à Marseille. On connaît la fin.
vendredi 1 février 2013
R.I.P Virgin (1)
On s’en doutait un peu après les annonces de ces derniers
jours sur la résiliation du bail du Virgin Mégastore Champs Elysées : une
enseigne qui envisage de se séparer d’un point de vente réalisant 20% de son CA
ne doit pas être en pleine forme. La confirmation est venue la semaine
dernière : Virgin s’est déclaré en cessation de paiement, et a déposé son
bilan ; on peut craindre que comme pour Surcouf il n’y ait pas pléthore de
repreneurs.
On reviendra dans un prochain post sur l'offre de "souk culturel" de Zelnik.
Les comparaisons françaises et internationales doivent
cependant être maniées avec précaution. Les mégastores Virgin se caractérisent
par une forte prévalence de l’offre culturelle ; les extensions sur le
loisir créatif, le high tech image et son n’ayant pas été franchement convaincantes.
Ils étaient donc principalement sur les marchés livres, musique/ vidéo et
gaming, qui sont tous en forte régression. Et même à l’intérieur de cet
ensemble, leur situation restait difficile puisqu’ils n’ont jamais réussi à
atteindre une réelle légitimité sur la librairie (à ce qu’on sache, aucune
grosse chaîne de librairie ne s’est encore déclarée en faillite malgré les
récriminations incessantes…) et restaient connotés musique/vidéo, ce qui était
clairement le pire créneau.
D’un point de vue d’implantations, là aussi le parc ne
paraissait plus adapté aux volumes et aux marges générées, ainsi qu’aux besoin
du consommateurs : les magasins grandioses de centre ville de métropoles,
sur les Champs Elysées mais aussi à Strasbourg par exemple, ne pouvaient plus accueillir
ce genre d’activité. Pour autant, on peut imaginer que les résultats des plus
petites entités dans les centres commerciaux (Carré Sénart…), les villes avec
une faible concurrence culturelle (Dunkerque) ou les implantations
« trafic » (Gare de l’Est) n’étaient pas si détestables que ça. Cela
pourrait justifier d’une reprise par appartement d’une partie de leur parc par
les concurrents.
On s'interrogera dans un autre post sur les enseignements qu'on peut en tirer pour la FNAC.
Pour autant, peut-on en vouloir à Butler Capital ? Il est
toujours facile d’avoir raison a posteriori, et si l’on peut imaginer que la
décision de se séparer du flagship des Champs Elysées auraient dû être prise il
y a bien longtemps, on peut aussi comprendre les difficultés pratiques, de
gestion, sociales qu’elle aurait entraîné et que le management ait reculé devant
l’obstacle.
De même, le retard pris dans le e-commerce était tel qu’il
était sans doute difficilement rattrapable sans des investissements massifs
dont la chaîne n’était plus capable.
Pourtant le combat n’était pas perdu d’avance, et le
développement régulier d’un Cultura, des Centre Culturels Leclerc, ou la
reprise de l’expansion du Furet du Nord pour n’en citer que quelques-uns montre
qu’il y a une voie dans le secteur. Un diagnostic rapide aurait pu avoir été de
fermer les grands magasins de centre-ville non rentables, d’utiliser une partie
du cash pour développer une stratégie multi canal seul ou en partenariat avec
un intervenant existant, de se concentrer sur des unités petites ou moyennes
voire de les développer, de revoir les parts de marché des univers. Facile à
dire certes.
Comme on est en France, on va donc avoir droit dans les
semaines qui viennent aux manifestations des salariés devant les magasins,
devant les tribunaux, on imagine aussi un blocage fort médiatique des Champs
Elysées ; des figures emblématiques de la gauche viendront les soutenir,
ils seront reçus par Aurélie Filipetti, Jean-Marc Ayrault et Hollande si ça se
passe mal, quelques artistes « concernés » viendront faire un concert
acoustique qui sera retransmis sur lablogotheque.fr . Et à la fin ils seront
licenciés sans prime car il n’y a plus d’argent dans les caisses depuis
longtemps, on n’est pas chez Seafrance ici. Une triste histoire peut-être. On
reparle quand de Deezer qui a levé ses 100 millions ?
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